Les reco culturelles #1 !
Cela fait un moment désormais que je streame également des émissions intitulées « Les recommandations culturelles ». Une première fois en Août, quand je faisais l’inventaire des quelques livres que j’emmenais avec moi lors de ma première phase de déménagement, et samedi dernier, où comme d’habitude même en voulant être synthétique je me suis retrouvée à causer pendant 2h15.
Mais peut-être n’êtes vous pas du tout à l’aise avec le support qu’est Twitch, ce que je peux comprendre. Ou alors, vous avez manqué l’émission et vous avez la flemme de vous taper le replay. Ou alors vous voulez faire les deux. Les possibilités ne manquent pas. Étant parfaitement consciente du fait que le public sur Twitch n’est pas nécessairement le même que sur des blogs, je me suis dit qu’il était intéressant que les deux se répondent et se fassent la plateforme mutuelle de l’autre. Il me semblait aussi plus judicieux d’avoir un support fixe de tout ce dont je vous ai parlé pendant l’émission.
Je me suis tâtée à juste faire un post récapitulatif sur Discord, mais le nœud du problème était sensiblement le même: tout le monde n’utilise pas forcément Discord, et même malgré son utilisation, un poste se perd facilement… bref, tout ça pour dire que je me suis dit: chaque émission « recommandation culturelle » se verra accompagnée d’un poste ici (coucou), où je recenserai les livres, les émissions et cætera évoqués en stream.
Comme ça, tout le monde s’y retrouve, l’article pop dans votre boîte mail et vous pourrez le retrouver facilement sur le blog.
C’est franchement trop bien, les blogs, hein ?(1) j’ai voulu trouver un chouette mot-valise (c’est bien en vogue, ça) pour cette catégorie d’articles, ou un petit titre rigolo, j’ai pensé à « Charles Salmalit » mais déjà y a pas que des bouquins, après je me suis dit « ah tout le monde met cul pour culture ça fait bien ça », j’ai pensé aux reco cul (trop facile), aux Méditations dans le cul, après je me suis dit ok on va arrêter les frais ici et ça sobrement: les reco culturelles. Voilà.
Ce poste couvrira la période d’automne. Il sera édité à la suite d’éventuels articles qui leur seront dédiés (fiches de lecture, critiques de films…)
Livres
Le terrorisme, Jacques Farth
Pour un exposé d’une trentaine de minutes, il m’a fallu faire un travail de recherche sur la question du terrorisme (on en reparlera ici, promis, je compte bien ne pas laisser aux oubliettes ce travail). Outre les divers articles que j’ai pu citer dans ce boulot, je cherchais aussi un essai critique et pas trop réac portant sur la nature du terrorisme, sa définition (2)spoiler: c’est une impasse, dans une volonté de situer le concept comme un sous-produit politique. Le problème était que je n’ai trouvé qu’une (grande) liste d’ouvrages tous plus exhaustifs les uns que les autres qui en faisaient une archéologie plutôt complète. Ces livres étaient chers, introuvables en bibliothèque, d’autant que je voulais quelque chose de plus court et synthétique.
L’essai de Farth est donc tombé à pic. Il appelle un chat un chat et nous met devant les réalités du terrorisme: plus que sa définition en elle-même, il rappelle toutes les politiques sécuritaires, la transposition dans le droit commun de certaines spécificités de l’Etat d’urgence, l’islamophobie actuelle nourrissant « la guerre contre le terrorisme », nomme le terrorisme d’État, recontextualise systématiquement le terrorisme dans une configuration néo-impérialiste et post-coloniale… bref, c’est court, c’est critique, c’est sourcé, et c’est résolument de gauche. Indispensable si vous voulez mieux vous emparer du sujet, en somme – et nous avons besoin de cette défense intellectuelle précieuse et pertinente par les temps qui courent. À mettre en toutes les mains de vos beau-pères et autres tontons qui commencent à dériver sur la pente glissante que je résumerais par un très court « MaisLeTerrorismeIslamique!!!!! ». Ca fait un chouette cadeau de Noël et c’est suffisamment sérieux pour pas trop trop paraître pour de la propagande gauchiste (wink wink).
The handmaid’s tale, de Margaret Atwood
J’ai passé des années à me dire et à me répéter « Oui, oui, je dois lire Atwood, je sais ». Et quelle claque cela a été, je regrette de ne pas m’y être mise plus tôt. J’ai la chance d’être bilingue et d’avoir pu m’imprégner totalement du style d’Atwood, des méta-discours qui s’y trouvent parfois, de la réflexivité de la narratrice sur son rôle de conteuse. À mes yeux, le livre atteint un degré supplémentaire dans sa narrativité grâce à la maîtrise incontestable de son autrice.
Nous suivons le récit de Offred, devenue servante dans une société totalitaire, religieuse, où une partie des femmes sont réduites à leurs fonctions reproductives, ce qui est d’ailleurs son cas (les autres étant elles aussi assignées à d’autres fonctions de reproduction, comme la préparation de nourriture et le ménage. Pour les mieux placées socialement, certaines sont juste désignées comme Épouses). (3)Je ne compte pas regarder la série malgré les bons retours et le jeu de d’Elisabeth Moss que je suis depuis Mad Men, le livre est déjà suffisamment dur et violent pour que je m’inflige la série.
Je ne vais pas rentrer trop dans les détails car j’ai déjà un article à ce sujet dans les cartons. Je vous dirais en tout cas que c’est un très bon essai pour s’immerger dans la SF dystopique. C’est glaçant, ça fait très peur car j’ai comme l’impression que nous sommes toujours à un pas de tomber dans ce que décrit Atwood. Lisez-le de toute urgence, ou faites-le lire autour de vous, je pense à des femmes surtout, je pense que nous aurions beaucoup à gagner à échanger autour des thèmes évoqués dans cet ouvrage.
Les femmes de droite, d’Andrea Dworkin
J’ai longtemps tellement entendu de choses sur Dworkin que j’avais l’impression de l’avoir déjà lue… dans un élan d’orgueil, je me disais que je n’allais rien en apprendre de nouveau. J’avais tort. La thèse des femmes de droite est devenue assez « connue » dans les milieux féministes – celle que plusieurs groupes donnés de femmes vont se réfugier dans la réaction catho, bourgeoise et/ou d’extrême droite aussi comme un pari de survie sociale – elles vont attendre du patriarcat, en étant conciliantes, qu’il les protège. C’est ce qu’on appelle, politiquement, une stratégie. Et évidemment ça ne sera pas formulé littéralement comme ça dans leurs têtes.
On a besoin de ce travail pour se rappeler que
– beaucoup de femmes pensent et penseront encore comme ça
– que ça ne fait pas d’elles pour autant des championnes du privilège. Certes il s’agira parfois de femmes bourgeoises, mais elles resteront… des femmes. Pour autant on peut toujours lier à leur genre leurs convictions politiques et leur repli identitaire.
– ça donne de bonnes clés pour comprendre comment et pourquoi des femmes vont par exemple militer contre l’avortement. C’est dur mais très nécessaire de lire Dworkin. Ne faites pas comme moi. Ne soyez pas orgueilleuses, lisez Dworkin.
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Les livres qui suivent ont fait partie du début de mon cycle sur l’écologie. J’ai fait la tentative d’être vraiment très synthétique dans leur résumé puisque je prépare pour très bientôt des articles plus détaillés à leur sujet.
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Un point de départ titanesque où ancrer sa réflexion écologique quand on est libertaires, Bookchin fout tout par terre et sort des flammes des bases nouvelles.
J’exagère un peu mais c’est un tel soulagement de lire une pensée écologique aussi globale. Une écologie qu’il est essentiel de resituer dans un réseau de paradigmes de domination, impérialiste et patriarcale, car les conséquences de ces rapports de force se matérialisent dans notre rapport à la nature.
Ce petit livre est en vérité le premier chapitre d’un ouvrage de Bookchin, il est donc plus à valeur introductive.
Ecologie et politique, écologie et liberté, Gorz (publié sous le nom Michel Bosquet)
Compilation d’articles parus 70s d’une actualité toujours déconcertante.
Gorz était très marxiste. Et le marxisme, même s’il est légitimement critiquable sur beaucoup de points, est un appareil critique très solide pour se pencher de près sur les questions de chaîne / moyens de production, sur la division du travail qui nous plongent (et nous ont plongé) dans des crises écologiques et économiques. C’est parfois un peu technique, mais Gorz nous donne des armes statistiques et argumentaires, économiques, pour comprendre concrètement de quoi il en retourne dans cette crise qui, nous le voyons grâce au recul historique de ces textes, ne date pas d’hier.
J’ajouterais qu’à l’inverse de beaucoup de marxistes qui peuvent me barber autour de leur conception du travail, Gorz était un disciple de Ivan Illich: la question du loisir, de l’autonomie, de travailler le moins possible et autrement, est centrale et je pense que ça devient crucial de réfléchir dans le même temps à ces problématiques-là.
Podcasts
Je n’aime pas la radio, voilà, c’est dit, s’il vous plaît ne partez pas.
Enfin, ce n’est pas que je n’aime pas la radio, mais voilà, je suis: très, trèèès déconcentrée, j’ai l’attention d’une enfant de 5 ans; et chaque fois que j’écoute une émission de radio je reste juste sur ma chaise à regarder le plafond car je ne peux pas faire autre chose si je veux bien tout écouter.
Il se trouve que j’ai (énormément) de temps de transport quotidien, et ça y est, c’est bon, je suis tombée dans les podcasts – parce que quoi de mieux qu’un long trajet de train ou de RER pour se poser le cul sur son siège à écouter des gens causer. On a rien d’autre à foutre de toute façon dans nos transports à part écouter des musiques émo. Autant écouter des émissions sympa.
Voici ce que j’ai écouté, donc. Sponsorisé par la RATP et la SNCF et par ordre de préférence.
Adieu, monde hétéro
Le récit de meufs qui ont arrêté de relationner avec des mecs, quels ont été leurs déclics, comment elles le vivent. C’est court et ça fait du bien.
Maintenant, à quand un podcast sur des meufs bisexuelles, qu’elles soient en couple avec des hommes ou des meufs ? Je suis toujours autant taraudée par la représentation bi quand on parle de « sortie » du monde hétéro. (4)je me questionne aussi véritablement sur cet usage du mot « sortie »… peut-on vraiment sortir du monde hétéro ? de la même manière que je ne suis pas certaine qu’on puisse sortir du capitalisme ou du patriarcat, peu importe nos volontés de non-mixité à ce sujet… Je suis aussi persuadée du fait que si nous bénéficions socialement de tous les privilèges du couple hétéro quand on relationne avec des hommes en tant que meufs bi, nos manières de vivre nos couples, de vivre nos queerness, nos manières de relationner avec d’autres meufs tout en continuant bel et bien à vivre de l’attirance pour des mecs, nos frustrations de meufs bies et nos façons de les amener dans notre couple peuvent être extrêmement intéressantes – et nous ne devrions pas éviter ces questionnements ! Je suis une femme bisexuelle, je suis sortie avec des femmes, je ne me revendiquais pas lesbienne ou sortie du monde hétéro pour autant à ce moment-là. J’ai relationné à nouveau avec des hommes par la suite, suis-je (re)rentrée dans le monde hétéro ? À moitié sortie ? Comment quantifier ce genre de choses ?
Ça a eu le mérite de soulever des questions qui ne sont pas inintéressantes, à mon sens. Je compte également en parler ici, pour sûr.
Dans l’attente, ce podcast fera du bien à toutes les meufs queer, si vous êtes à la recherche de témoignages à ce sujet !
Pour écouter le podcast Adieu, Monde hétéro, c’est par ici.
Kiffe ta race: Asiatiques, minorités modèles
Kiffe ta race est un podcast animé par Grace Ly et Rokhaya Diallo (je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus pour aller l’écouter), qui consacrent des émissions sur des thématiques données du racisme. Dans cet épisode, elles tirent sur un fil trop peu abordé dans nos luttes et réflexions: quels sont les moyens mis en œuvre pour constituer à partir du groupe (hétérogène) asiatique « une minorité modèle » ? Elles rappellent, avec leur invitée Mai Lam Nguyen-Conan (5)Nguyen-Conan est spécialiste des questions interculturelles. Elle a écrit le livre « Français je vous ai tant aimés – l’impossible intégration ?« que:
– leur réussite sociale est extrêmement située et dépendante du contexte économique et culturel en fonction du groupe spécifique (des groupes d’Asie du Sud-Est ne seront pas du tout placés au même endroit de l’échelle sociale aux Etats-Unis ou en France)
– ces stéréotypes de promotion des asiatiques ont eux-mêmes racine dans des idéologies racistes et coloniales
– ils tendent à occulter toutes les disparités sociales dans un effort d’homogénéisation et de mise en concurrence structurelle de groupes racisés.
Pour écouter ce podcast, c’est par là.
Les couilles sur la table: en musique, les hommes donnent le la
En lien avec ce fantastique article qui est d’ailleurs linké dans le podcast, j’ai écouté avec beaucoup d’attention cette émission. Étant musicienne depuis un peu moins de dix ans, particulièrement mélomane (j’emmerde tout le monde avec mes vinyles et ma platine), je crois que ça m’a fait beaucoup de bien de confronter ce que je ressentais déjà vis-à-vis du milieu de la musique à une réflexion plus élevée.
C’est-à-dire que j’ai passé ma vie à m’excuser de vouloir écouter de la musique comme un homme, d’avoir cette prétention à. Et peu à peu, en avançant dans le domaine des audiophiles, je me suis sentie de plus en plus seule – discuter des techniques de son, de la façon dont marche une platine par exemple, ont été des conversations que j’ai dû avoir avec des hommes blancs à barbe exclusivement (j’exagère à peine). Parler de musique ou partager des musiques à des femmes m’ont fait réaliser que cela suscitait à peu près le même type de réactions que pour les jeux vidéo: elles s’excusaient, disaient « moins s’y connaître », parce que pas musicienne, ou pas aussi sérieuse qu’un homme, moins versées dans la technicité… et je sais que j’ai moi-même fait montre de ces attitudes, à me sentir moins légitime dans ma pratique de la musique car autodidacte, à sans cesse dévaloriser les connaissances que j’avais, à devoir déployer des efforts pour rester solide face à des vendeurs ou des pauvres mecs qui semblaient vouloir tester ma culture musicale et mes connaissances en termes de systèmes de son.
Je suis aujourd’hui en couple avec un homme qui est un musicien hors pair, entouré lui-même de plusieurs personnes se professionnalisant dans la musique, qu’il accompagne parfois lors d’auditions. Ce sont des sujets qui ont été au cœur de nos conversations: il est lui aussi autodidacte dans sa pratique musicale, pourtant cela se voit bien que nous n’éprouvons pas le même sentiment de légitimité dans cette passion. Fort heureusement, il est particulièrement attentif à ces jeux de rapport de force et nous pouvons en discuter et vivre notre amour commun de la musique plus sereinement. Mais ça reste une chance, et les constats sont malgré tout posés: nos expériences de la musique sont forcément, très différentes. Et elles le sont pour toutes les femmes, et toutes les femmes pauvres par ailleurs.
Bref, ce podcast s’attaque particulièrement aux questions de mixité dans le monde de la musique (études, conservatoires, groupes), de légitimité aussi, de différenciation des intérêts (6)exemple statistique frappant des hommes qui connaissent toutes les marques d’ampli d’un groupe là où des meufs connaîtront les paroles ou les chorés, et de la dépréciation de cette connaissance féminine … amené par une musicologue que je ne connaissais pas.(7)Vous pouvez lire un de ses articles sur la sociologie de la musique ici. J’ai aussi appris plein de trucs sur la sexualisation de certains ports d’instruments notamment. En clair c’est bien foutu et quiconque s’intéressant à la musique devrait se pencher sur le sujet.
Je reste également, toujours très d’accord avec la citation de Bourdieu que Hyacinthe Ravet cite dans son entretien: il y a peu de choses aussi classantes que la musique. Politisons et situons cette activité, cette passion entre nous, aussi. C’est important.
Pour écouter l’épisode, c’est par ici.
Un podcast à soi
« Le plus souvent, anonyme était une femme… »
Voici comment débutent les podcast de Charlotte Bienaimé, « Un podcast à soi ».
Conseillé par une amie qui a elle aussi des temps de trajet très long, je crois que ça a été mon coup de cœur podcast de cet automne. Proposé par Arte Radio, je fais juste un peu la gueule car ce n’est pas hébergé sur Spotify, mais le taff de Charlotte Bienaimé est monstrueux ! Il est savamment dosé entre son rapport très personnel à son boulot radiophonique et où elle-même se positionne dans les débats qu’elle met sur le tapis à chaque émission. Lesquelles sont d’ailleurs accompagnées de toute une bibliographie et de sources pour pouvoir encore mieux creuser les sujets.
J’ajouterais que chaque podcast respire par des extraits choisis et lus, d’œuvres de fictions ou de poèmes…
Les trois volets que j’ai écoutés pour le moment sont les suivants:
– Celui sur l’écoféminisme, qui a été un peu la confirmation que j’avais envie de me surinvestir intellectuellement dans ce domaine dernièrement. C’est un très bel état des lieux des luttes écoféministes et des mouvements environnementaux de femme, avec l’intervention d’Emilie Hache. Ce podcast offre énormément de ressources, bibliographiques, littéraires et politiques sur la diversité de ces mouvements.
– Femmes et handicap, les corps indociles. Plaisir d’entendre des femmes handicapées au micro, j’en avais besoin, l’étant moi-même.
– Et enfin, le troisième que j’ai écouté était « Vieilles, et alors ? » Enfin !! Un micro tendu à des femmes vieilles, qui pensent leur âge et se situent vis-à-vis des interactions qu’ont la société avec elles – dégoût, invisibilisation et rapport au corps.
Films
J’ai regardé beaucoup de films d’animation cet automne, sans même vraiment le vouloir. Voici mes deux préférés.
Promare, du Studio Trigger
Une animation à tomber et un scénario shônen assez classique bien que chouette sur son commentaire d’une construction d’un « ennemi de la nation », de l’antagonisation à des fins politiques qui mène à des politiques d’oppression…
Mais il faut plutôt le regarder comme un tour de force d’animation à la réalisation survitaminée (et quelle OST).
J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin
Naoufel est précaire, avec de lourdes blessures émotionnelles. Il tombe amoureux d’une bibliothécaire. Pendant ce temps, une main s’échappe d’un laboratoire et tente de retrouver son corps.
Sublime petite pépite du cinéma d’animation français d’une belle métaphore sur le deuil, subtilement représentée par la douleur fantôme et de ce qu’on incorpore dans tous les sens du terme, de nos histoires de famille, de notre culpabilité aussi.
Documentaires
Les bonnes conditions, de Julie Gavras
Pendant 15 ans, Julie Gavras a suivi des gosses de riches, de leur collège jusqu’à leur vie active. Ça donne un panorama très complet des problématiques et des humeurs qui traversent la bourgeoisie et nous montre avec quelles sécurités certaines personnes partent dans la vie. Je trouvais aussi intéressant que certaines personnes interviewées soient critiques de leur position dans la société, là où d’autres ne remettent pas une seule seconde en question leurs privilèges de classe.
Gosses de France
Deuxième volet du diptyque inattendu que je me suis constituée, « Gosses de France » est trouvable ici sur Youtube et livre efficacement les témoignages de plusieurs mineurs qui réfléchissent sur leur précarité, comment elles les affectent, quelles formes elle peut prendre. Des chiffres ponctuent le documentaire, sur la part d’illettrisme des enfants en France, par exemple.
Je pense que nous aurons toujours besoin de ce genre de travail documentaire et qu’il est très, très précieux. Ce serait une erreur de penser qu’il ne s’agit que de simples expériences individuelles, récit biographique. Une partie du coeur de nos luttes se trouve ici. Dans nos façons de ne pas mettre à distance ce que l’on tend à invisibiliser, par les discours, par les politiques publiques, par la froideur statistique. Il est temps aussi de laisser les pauvres parler des pauvres, parler pour eux, parler d’eux. Je ne dis pas qu’il ne faudrait faire que ça. (je ne suis pas de l’école « seuls les concernés savent de quoi ils parlent », la scientifique en moi sans doute…). En revanche, écouter ce que les précaires ont à dire (particulièrement les gamins ! quand on sait à quel point nous ne les prenons jamais au sérieux / ne les respectons pas !) est particulièrement important dans un geste de de désobjectivation, je crois. Paradoxal venant d’un documentaire ! Mais il s’agit de leur laisser la parole, eux dont on parle constamment et que nous n’écoutons jamais assez. Le faire dans l’objet « noble » qu’est le documentaire est crucial en ce sens, et il nous appartient de les regarder, les écouter, les analyser.
Je repense aux paroles de l’incroyable Amandine Gay, lors de sa conférence introductive à Lyon pour Ouvrir la voix, quand elle évoquait pourquoi avoir choisi la forme documentaire plus qu’une autre. Elle avait répondu: parce que dans un documentaire, on ne peut pas couper la parole.
Haut-le-cœur en entendant cette mère de famille pauvre, dans le docu, dire que tout serait de sa faute.C’est aussi ça le documentaire. Des gens dont on voudrait parfois, nous-mêmes couper la parole, pour de bonnes ou comme pour de mauvaises raisons, et que nous nous devons d’écouter.
Croyez-moi j’ai voulu faire court et j’ai déjà beaucoup écrémé. En vidéo, je vous parle en prime de la grève du 5 décembre, de la future sortie du livre « T’as pensé à ? », de Françoise Héritier, de Shirley Jackson, de Frozen 2, du documentaire Planet Earth et de la revue America… !
Pour regarder le replay sur ma chaîne Twitch (attention vous n’avez que deux semaines avant que ça n’expire !), c’est par ici.
N’hésitez pas à vous abonner au blog plus bas pour être prévenu·e quand chaque article paraît.
Références
↑1 | j’ai voulu trouver un chouette mot-valise (c’est bien en vogue, ça) pour cette catégorie d’articles, ou un petit titre rigolo, j’ai pensé à « Charles Salmalit » mais déjà y a pas que des bouquins, après je me suis dit « ah tout le monde met cul pour culture ça fait bien ça », j’ai pensé aux reco cul (trop facile), aux Méditations dans le cul, après je me suis dit ok on va arrêter les frais ici et ça sobrement: les reco culturelles. Voilà. |
↑2 | spoiler: c’est une impasse |
↑3 | Je ne compte pas regarder la série malgré les bons retours et le jeu de d’Elisabeth Moss que je suis depuis Mad Men, le livre est déjà suffisamment dur et violent pour que je m’inflige la série. |
↑4 | je me questionne aussi véritablement sur cet usage du mot « sortie »… peut-on vraiment sortir du monde hétéro ? de la même manière que je ne suis pas certaine qu’on puisse sortir du capitalisme ou du patriarcat, peu importe nos volontés de non-mixité à ce sujet… |
↑5 | Nguyen-Conan est spécialiste des questions interculturelles. Elle a écrit le livre « Français je vous ai tant aimés – l’impossible intégration ?« |
↑6 | exemple statistique frappant des hommes qui connaissent toutes les marques d’ampli d’un groupe là où des meufs connaîtront les paroles ou les chorés, et de la dépréciation de cette connaissance féminine |
↑7 | Vous pouvez lire un de ses articles sur la sociologie de la musique ici. |
Quel chouette article, j’adore les recommandations culturelles ! J’ai voulu regarder ton live mais entre le fait que je n’ai pas l’habitude de Twitch et le fait que j’ai quitté mon asso à 20h, en rentrant j’ai juste comaté devant un bol de frites et une bière 😀 Ravie donc de retrouver un résumé écrit.
J’ai moi aussi beaucoup aimé La Servante écarlate, que j’ai trouvé glaçant et saisissant. Je l’ai préféré à la série, qui a été un étalage de violence qui va crescendo, et j’ai de plus en plus de mal avec la violence graphique à l’écran, surtout quand elle est toujours contre les opprimés même sous couvert de dénonciation.
J’ai mis « Femmes de droite » sur ma wishlist de Noël / d’anniversaire, j’ai vraiment super envie de le lire ! Ça ne fait pas très longtemps que je connais Dworkin, j’ai lu un de ses discours pendant mes recherches pour mon livre et son style m’a donné envie de creuser. Ce bouquin est pile dans mes interrogations, j’espère qu’une bonne étoile va m’entendre et me l’offrir hahaha. J’ai aussi très envie de lire Bookchin mais ça m’intimide, je vais voir pour emprunter un livre à un·e ami·e sur ses conseils.
Je me suis plongée dans tes réflexions à propos de la « sortie de l’hétérosexualité ». Moi aussi bie en couple avec un mec (mariée, même, quelle audace), j’ai vraiment beaucoup de mal à me sentir à ma place dans la communauté queer. J’ai l’impression (et on me fait ressentir) que je ne suis pas légitime à critiquer la masculinité et l’hétérosexualité PARCE QUE je suis en couple avec un homme, ce qui serait à la fois une petite lâcheté et une trahison. Je n’écoute pas beaucoup de podcasts mais s’il y en avait un qui donnait la parole aux meufs bi en couple avec un mec, je participerais ET j’écouterai ET je recommanderai haha. Ça me manque cruellement.
Sinon très récemment j’ai découvert le cinéma de Miyazaki (je sais, je suis très en retard à la fête). J’ai regardé Kiki la petite sorcière, et j’ai beaucoup aimé la douceur de ce film. C’était très reposant, ça m’a donné envie de me poser et de m’écouter, et j’avais besoin de ça je crois.
Et j’ai acheté le premier tome de l’Histoire de France en bande-dessinée, éditée par La Découverte x La Revue dessinée, pour offrir à mon père. Je vais y jeter un oeil avant de l’emballer, ça promet d’aborder l’histoire du pays loin du roman national et ça pourrait me rendre moins ignorante héhé.
Prends soin de toi, bises !