La musique, pour contrer l’urgence #3

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour la 3ème semaine consécutive ! J’aimerais avoir le temps de vous proposer d’autres de mes articles dans mes cartons (qui ne soient pas des reco’ musicales je veux dire), mais je suis tellement sous l’eau actuellement en termes de travail et mes douleurs sont si paralysantes qu’il faudra se contenter de ça pour le moment.

J’ai reçu beaucoup beaucoup de chouettes retours et je suis vraiment touchée ! Merci pour votre enthousiasme et toutes ces publicités bienveillantes. Je n’ai pas de plug-in ou d’outils qui me permettent de mesurer l’audience de ce blog, le nombre de vues, de pages visitées…, et je ne veux volontairement pas avoir de vision sur ces choses-là. J’ai envie de garder un aspect fanzine DIY le plus possible à ce blog, fait avec quelques bouts de ficelles et surtout beaucoup de passion. Je tiens cela dit à saluer toutes les maman qui passent par là (coucou Sylvie !), je suis très contente qu’on me fasse lire même chez les reums. Ça va me forcer à garder une ligne de conduite acceptable… !

Cette semaine, j’ai écouté surtout des EP / singles. De la part d’artistes que je connaissais déjà et qui tentent tant bien que mal, avec le confinement, d’assurer leur promotion et leurs sorties. Il sera donc en grande majorité question de nouveautés d’artistes que je connais déjà et que je suis contente de vous faire connaître, de titres que je revisite dernièrement et bien sûr de quelques noms nouveaux pour moi.
Cette troisième mixtape est placée sous le signe du tour du monde, on embarque notamment pour la Grèce, l’Irlande du Nord, la France et l’Australie. Et une artiste brésilo-norvégienne. On fait un tour d’horizon avec: de la soul, de chiptune, de chillwave et de musique néo-classique. Quel beau programme !

Chipzel
Spectra (2013)

Genre: chiptune
Mood: nocturne, urbain, trippy

Je suis streameuse et musicienne, pourtant, je n’aime pas trop le chiptune… Je ne saurais pas dire vraiment pourquoi, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Je pense que c’est notamment dû au fait que j’ai souvent vu le chiptune comme une tentative de performance alliée à la culture retrogaming (réutilisation de sons en provenance directe des consoles type NES) plus que comme une volonté de musicalité / mélodique. Et j’ai sans doute tort, hein. Toujours est-il que ça me laisse, la plupart du temps… froide. J’ai besoin que la musique me touche pour l’apprécier, peu importe le tour de force.
Il y a évidemment une exception à ça en chiptune pour moi, que je suis super heureuse de vous présenter, et elle s’appelle Niamh Houston (Chipzel). Originaire de l’Irlande du Nord, Chipzel est gentiment venue bouleverser mes préconceptions sur le chiptune, quand on me l’a faite connaître il y a quelques années de cela.
Je vous avoue que quand on m’a fait écouter la première fois, j’ai été pas mal travaillée: j’avais l’impression de l’avoir déjà entendue quelque part…
… et j’avais raison puisqu’elle était en charge de l’OST de ce jeu du démon SuperHexagon. Ses sonorités ne m’étaient donc pas étrangères.
Et je vous arrête tout de suite, si j’aime la musique de Chipzel, ce n’est pas parce que c’est une meuf (de toute façon, ça changerait quoi ?). Il se trouve que c’était une (très chouette) coïncidence puisque quand j’ai écouté Spectra pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui en était l’artiste derrière. C’est une coïncidence d’autant plus grande que sur la scène du chiptune, les meufs se font vraiment rares.

Outre le fait qu’elle travaille maintenant sur des OST de jeux vidéo, Chipzel nous a prodigué cet excellent album perso et je vous promets qu’il vaut le détour. Parce que c’est vraiment CHOUETTE, et vous savez maintenant que j’ai du mal à dire ça du chiptune, mais ses mélodies me poursuivent encore à ce jour.

Keep Shelly in Athens
EPs

Genres: lo-fi, electronic, chillwave, downtempo
Mood: nostalgique, mélancolique, envolées lyriques et épiques

Time is spent
To forget
Forget
Forget

Keep Shelly in Athens est le fait d’un producteur et compositeur grec, RΠЯ, et de plusieurs chanteuses (Sarah P, Myrta et désormais Jessica Bell). Le groupe est particulièrement prolifique et sort très souvent des EPs, des singles et des petits albums, avec tout ce que j’aime: des synthés teintés des 80’s et des voix flanquées de reverb qui empruntent à la clarté cristalline du chant Kate Bush. Ils citent comme influences notables AIR, Saint Etienne et bien évidemment Cocteau Twins. Je suis moins fan de ce qu’ils font en collab de rap – tout ne peut pas marcher, c’est comme ça. Mais avec la profusion de titres qu’ils sortent, je suis à peu près sûre que vous trouverez vous aussi des trésors parmi leurs titres.

Et puis bon, ils ont fait une magnifique cover de (Don’t Fear) The Reaper. Que demander de plus ?!

Charlotte dos Santos
Cleo (2017)

Genres: neo-soul, jazz
Mood: chill, sensuel, doux

Don’t mess with tarot
The cards they
Will speak
I pull thee
Empress
That’s
Inside my sleeve

Compositrice brasilo-norvégienne, Charlotte dos Santos a étudié la musique contemporaine ainsi que le jazz au Berklee College of Music et a sorti ce premier album en 2017. Et c’est un excellent album, pour sûr. Comble de ma joie, elle a sorti un EP en mars de cette année (Harvest Time), dont je vous mets un ou deux titres dans la mixtape de cette semaine, c’est cadeau.
Son parcours est tel que nous retrouvons, outre des inspirations soul et jazzy plus classiques, quelques influences de la bossa‘, de samba (It’s Over, Bobby) et plus globalement de rythmes sud-américains. C’est donc un grand vent de fraîcheur qui souffle avec Cléo, et sa neo-soul puise ce qu’il faut dans des beats plus électroniques.

Fermez les yeux, tamisez la lumière et embrassez le travail de dos Santos. C’est doux et langoureux, comme une soirée galante. Mais ne vous laissez pas méprendre: le songwriting de dos Santos est tout aussi important que sa musique, et elle nous parle des femmes qui l’ont influencée, forgée, de la force qu’elle tire de sa féminité, ainsi que de son indépendance. Dans Red clay, elle nous parle de ces hommes qui veulent la modeler toute entière, à l’image de l’argile rouge. Forcément, ce genre d’images fortes me parle.
Et la musique de dos Santos est douce, oui, peut-être. Mais elle reste sa propre héroïne. Et c’est à nous, d’autres femmes, qu’elle parle, et qu’elle nous dit, en un murmure: nous ne nous laisserons pas faire, chéris.

Tash Sultana
Notion (2017)

Genres: rock psychédélique, reggae
Mood: bon pour fumer des joints, énergique, bonne humeur

I know that you’re hurting I see the tears
behind those eyes
And I can’t wipe them clear
Your love is like
Gold to me
But you hold me closer
To the light
With the final bullet
inside

(Sultana se revendique non-binaire et utilise les pronoms « they » en anglais. Il me semblait important de ne pas escamoter cette dimension de sa biographie: j’accorderai donc en conséquence.)

L’australien•ne Tash Sultana a apparemment explosé il y a quelques années alors qu’iel se filmait à la maison. Multi-instrumentiste (iel joue d’une douzaine d’instruments !), je voyais les articles dire et répéter qu’il fallait voir ses lives. Ni une ni deux, j’ai regardé des captations sur YouTube et je suis complètement tombée sous le charme.

Je ne pourrais pas mieux résumer un commentaire sous une de ses vidéos YouTube qui déclarait « C’est comme si Joan Jett et Bob Marley avaient eu un enfant, que Janis Joplin et Jimmy Hendrix en avaient eu un autre, et que ces deux enfants avaient enfanté Tash Sultana« . On est à ce niveau-là de talent et d’influences.

Alors, qui est Tash Sultana ? Ancien•ne toxico, résolument queer, Tash Sultana nous emmène dans de très longs morceaux où iel s’éclate. Dans tous les sens du terme. On retrouve des inspirations rock et indé sur des rythmes reggae et psychédéliques. Et ça marche – je crois qu’il faut la voir pour le croire. Sultana a l’épaisseur des gens qui ont trop vécu, qui ont tant à dire, et qui nous font parvenir leurs récits dans leur énergie magnétique. Iel m’a fait quelque fois penser (notamment pour la voix) à Amy Winehouse.
Je vous mets donc une chanson en live ici et le reste dans la playlist.

Christine Ott
Only silence remains (2016)

Genres: avant-garde, néo-classique, Ondes Martenot
Mood: enchanteresque, magnifique, apaisant, parfois inquiétant et triste

Le voilà, mon coup de cœur de la semaine. Il était difficile de trancher avec Tash Sultana, mais Christine Ott a pris une avance considérable. Écoutez-moi bien !!

Grande virtuose française, Christine Ott a une carrière constellée de prestige: médaillée d’or du conservatoire de Strasbourg, elle a également obtenu le prix du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
Ott est pianiste mais elle est aussi ondiste. Ça veut dire qu’elle joue des Ondes Martenot, un instrument de musique électronique inventé à la moitié du 20ème siècle. Le site compositeur-arrangeur nous permet de mieux comprendre de quoi il s’agit:

Il s’agit d’un oscillateur qui émet des ondes sonores très pures (genre sinusoïdales). Pour contrôler ce son et le transformer en quelque chose de musical, l’instrumentiste dispose d’un clavier qui se joue avec la main droite et d’un tiroir qui comporte une touche d’expression actionnée par la main gauche (pour changer les nuances, avoir un son sec ou un son doux etc…), ainsi que des curseurs et des molettes pour obtenir différents timbres. […] Le fait de contrôler le son en direct tout en jouant les notes au clavier apporte un côté live et intuitif très intéressant.

Dans: Instrument rare : les Ondes Martenot.
Voici à quoi ressemblent des Ondes Martenot

Ce qui est intéressant c’est que d’une manière ou d’une autre, vous avez forcément entendu des procédés musicaux similaires aux Ondes Martenot: il existe désormais plein d’instruments et d’outils utilisés en musique électronique (potentiomètres, oscillateurs) qui s’approchent de l’utilisation des Ondes Martenot.

Revenons à Ott. Christine Ott est reconnue pour être une spécialiste des Ondes. Elle a collaboré avec divers artistes tels, allant de Yann Tiersen à Radiohead… Et on la retrouve en tête de l’OST de films ethnographiques comme Nanouk l’Esquimau, film sorti en 1922, qu’elle accompagne durant des ciné-concerts.
Je me suis surtout penchée sur sa production personnelle avec son album « Only Silence Remains« , que j’ai trouvé magnifique. Vous l’aurez compris, je déteste la musique intellectualisante qui a pour seul but d’être savante. J’ai besoin d’être remuée, défiée, provoquée. Il y a tout un pan de la musique contemporaine que j’ai en horreur à cause de ça, pour ce qu’elle peut provoquer de violences (de classe) et d’effets de domination. Je refuse tout net que, pour apprécier de la musique, nous devions disposer d’une grille de lectures, harmoniques, rythmiques, en bref totalement solfégiques, pour s’en saisir correctement, ce qui signe pour moi l’échec du but premier de la musique.

Et Christine Ott contourne ça avec beaucoup d’élégance. C’est beau, et c’est tout. Parfois il n’y a rien de plus à en dire. Je pense que pour beaucoup de connaisseurs à l’appréciation très instrumentale de la musique il y aurait précisément, beaucoup à dire de son utilisation des Ondes Martenot. Peut-être bien, oui.

Moi ce que je peux vous dire en tout cas, c’est que ça me fait penser à Nils Frahm, un autre pianiste que j’aime énormément. Et que cet album m’a fait explorer des contrées indicibles, celles qui sont en moi et que seule une musique excellente, agissant comme un acide, permet de me révéler avec étonnement.

C’est quand même un meilleur compliment que n’importe quel autre type d’analyse. Alors merci pour ça, Christine Ott.

Bonus avec quelques EPs sortis tout récemment…

Phoebe Bridgers – Kyoto

Phoebe Bridgers (on en parlait la semaine dernière !) est revenue tout récemment avec un EP, comportant « Kyoto » et « Garden Song« . Il est à noter que Kyoto doit être la seule chanson de Bridgers qui soit un minimum joyeuse. C’est quand même fou.

J’ai tellement aimé l’EP que je vous mets les deux chansons dans la playlist, c’est cadeau.

I’m gonna kill you If you don’t beat me to it
Dreaming through Tokyo skies
I wanted to see the world T
hen I flew over the ocean
And I changed my mind

Julien Baker – Tokyo

Ohhh promis je vous parlerai mieux de Julien Baker puisqu’elle est une de mes artistes préférées. Elle est revenue, elle aussi, avec un EP comportant « Tokyo » et « Sucker Punch« , joli miroir avec Phoebe Bridgers qui est une de ses comparses dans le groupe boygenius. C’est moins enthousiaste comme track mais tout aussi joli. Cadeau.

Don’t look
God, it’s a mess
A seven-car pileup of every disastrous thing that I’ve been
Crane your neck
The aftermath
The imprint of my body left

Il est temps de se quitter là-dessus ! J’espère que vos confinements se passent bien, que vous écoutez PLEIN de musiques chouettes, et si tout se passe bien – à la semaine prochaine !

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